Le terrorisme islamiste : une autre lecture

Article : Le terrorisme islamiste : une autre lecture
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2 juillet 2017

Le terrorisme islamiste : une autre lecture

Depuis que j’ai intégré une équipe de cinéma pour la réalisation d’une série sur la lutte contre la radicalisation en milieu jeune, toutes les thématiques qui ont un rapport avec ce sujet m’attirent davantage. C’est pour cela que j’ai participé à une conférence débat organisée par le centre culturel Al-mouna sur le thème : « Le terrorisme islamiste : une autre lecture ».

Le phénomène du terrorisme islamiste, on en parle chaque jour, on fait des colloques, des conférences débats, des séminaires…, mais ce qu’on constate, c’est la montée en puissance du terrorisme : des attentats kamikazes, des explosions des engins piégés, des prises d’otages, etc.

Avant, l’Afghanistan était l’unique foyer du terrorisme au monde, aujourd’hui on en compte beaucoup. Le phénomène a même touché mon pays, le Tchad qui était victime de plusieurs actes terroristes perpétrés par les éléments de Boko Haram. Il a fallu l’intervention de l’armée nationale pour anéantir cette secte.

Dans la salle auditorium du centre Al-mouna, le conférencier Dr. Sali BAKARI n’a pas axé son intervention sur l’origine du terrorisme, ni sur le mobile, ni même sur les sources de financement mais plutôt sur un aspect que beaucoup des chercheurs n’ont pas su exploiter pour comprendre l’origine du terrorisme.

Les études ou les analyses qui sont présentées sur le sujet se sont inscrites dans la même logique. Il faut essayer de voir le terrorisme par des paramètres qui jusque-là ont été négligés, notamment la prise en compte des histoires de vie des acteurs principaux du terrorisme. Quels sentiments avaient-ils ? Et en quoi ses sentiments peuvent les influencer au point de les basculer dans la radicalité puis dans la violence.

C’est difficile d’éradiquer une idéologie par les armes. La meilleure manière de lutter contre le terrorisme est la prise en compte de la vie sociale et l’étude des profils psychologiques des leaders du terrorisme international.

Pour appuyer ses argumentations Dr. Sali BAKARI évoque la vie affective des trois grands chefs terroristes, à savoir Abdallah Azzam le cerveau du Jihad en Afghanistan, Oussama Ben Laden le fondateur du réseau terroriste Al-Qaïda et Mohamed Yusuf le chef spirituel de la secte Boko Haram.

Il ne s’agit pas de faire une étude comparative de ces personnages mais plutôt de voir qu’est-ce qu’il y a de similaire dans leur vie, notamment dans la dimension affective et sentimentale de leur vie et qui les a poussés dans l’obscurantisme.

Le conférencier aborde d’emblée le cas de Mohamed Yusuf qui retourne au Nigéria, son pays d’origine, après avoir fait des études en théologie à Médine (Arabie Saoudite). En voulant imposer l’idéologie wahhabite à la population nigériane, Mohamed Yusuf a eu des démêlés avec les prédicateurs locaux, notamment ceux issus de la confrérie Tiddjania. Ces derniers le rejettent et cherchent toujours à le ridiculiser. Mohamed Yusuf, se sentant alors humilié, décide d’infliger des représailles à la population. Selon Dr. Sali BAKARI, Yusuf les manipule en les mettant en résonnance avec les injustices vécues localement.

Pour que ce leader réussisse son combat politique et idéologique, il a fallu qu’il transforme son problème personnel en un problème collectif et pose des termes précis et séduisants.

« Vous êtes responsable de votre échec, si nous sommes sous développés c’est parce que l’Occident nous a envahi, c’est parce que l’Occident a détruit l’empire Ottoman, l’Occident nous a imposé des nouvelles frontières, si vous êtes mal éduqués, mal logés c’est parce que nous étions victimes de la colonisation britannique, c’est parce qu’on nous a imposé la culture occidentale alors qu’auparavant nous avons le Khalifa de Sokoto, le Kanem Bornou… » [Discours de Mohamed Yusuf]. Il a mis les petits plats parmi les grands pour arriver aux évènements de 2009 qui ont conduit à son arrestation, ensuite à sa mort.

C’est l’analyse sous une dimension affective qui a permis au conférencier de comprendre pourquoi les partisans de Yusuf adhèrent à son discours et pourquoi la masse populaire a répondu à l’appel de Ben Laden pour le djihad en Afghanistan contre l’invasion soviétique.

Oussama Ben Laden fait partie d’une famille très riche et respectée. Il est destiné à une carrière brillante plutôt que le terrorisme. Dr. Sali BAKARI l’a abordé pour comprendre ce qui n’a pas marché dans sa vie affective. Il évoque brièvement l’appartenance à la tendance chiite de sa mère et la relation douteuse de sa mère avec son père. Ben Laden était donc furieux et au moment où les arabes avaient encore subi des échecs dans la guerre avec l’Etat d’Israël qui a suscité en eux un sentiment d’infériorité et de honte.

Pour finir, je dirai qu’au-delà de l’aspect affectif de ces leaders terroristes, il faut aussi prendre en compte la vie socioéconomique des personnes qui sont susceptibles d’être embrigadées. Aujourd’hui, aucun pays n’est à l’abri du terrorisme et donc la lutte contre ce phénomène ne doit pas être l’affaire de l’Etat ou du gouvernement mais plutôt une affaire de tout le monde.

Dans la région du Lac Tchad frontalière avec Maiduguri (fief de Boko Haram), les éléments de Boko Haram s’infiltrent fréquemment pour commettre des actes terroristes. Vu la gravité des faits, les villageois se sont organisés en comité de vigilance pour surveiller les lieux des cultes et les marchés. Tous les passants sont soumis à des fouilles corporelles. Cette méthode est certes petite mais a permis à la force de défense de démasquer et d’arrêter plusieurs terroristes.

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